Quelques textes concernant le travail de l’artiste et les expositions

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Itzhak Goldberg, juillet 2020

Ailleurs, sans doute

Ailleurs, sans doute

« Presqu’île – partie saillante d’une côte, rattachée à la côte par une langue de terre étroite. Elle se distingue d’une péninsule par ses dimensions plus étroites ».

Comme toujours, la définition proposée par le dictionnaire est à la fois trop précise et trop pauvre pour être appliquée aux titres que donne Jean-Pierre Schneider à ses différentes œuvres. Celui de la dernière série – en cours – Presqu’île, est une véritable démonstration de l’impossibilité de traduire en mots la poésie d’un moment où des formes incertaines commencent à surgir de la matière, à émerger des nappes aquatiques.

Exceptionnellement, on comprend la raison de ce besoin étonnant du peintre de tracer sur la surface de ses toiles non seulement la date mais également leurs intitulés. Cette manière de baptiser ses travaux trouve avec Presqu’île une résonnance particulière car aussi bien le terme que sa représentation ont la fonction d’un accélérateur d’imaginaire.

« Rêver des îles, avec angoisse ou joie peu importe, c’est rêver qu’on se sépare, qu’on est déjà séparé, loin des continents, qu’on est seul et perdu — ou bien c’est rêver qu’on repart à zéro, qu’on recrée, qu’on recommence », écrit Gilles Deleuze.

On le sait, depuis longtemps l’île fut une source d’inspiration artistique. La nostalgie qui accompagne L’Embarquement pour Cythère de  Watteau ou l’ambiance d’un monde trépassé de L’Ile des morts d’Arnold Böcklin en sont les exemples les plus connus.

A l’écart de la société, ce microcosmos au potentiel narratif important s’ouvre aisément à la rêverie, au dépaysement, à la déambulation poétique.

Cependant, le succès remarquable de ce thème n’est pas sans risque : celui de se transformer en un lieu commun galvanisé, en une image préconçue et figée.

Est-ce pour cette raison que Schneider se situe plutôt dans un entre-deux, entre terre ferme et offshore, entre deux rives ? Le point de vue est légèrement ou nettement surélevé comme s’il se postait au-dessus des pays dont il relève les plans et saisit les repères. Comme avec Jetée ou Echouage, ses séries précédentes, ce sont des zones intermédiaires, flottantes, qui se déconnectent, s’absentent même. Autrement dit, des impressions presque imperceptibles mais néanmoins, au prix d’une longue et lente imprégnation, tenaces.

Ces taches fines, cotonneuses, parfois transparentes, n’ont rien d’îlots formés de terre solide. Fragments épars suspendus au milieu d’un espace indéfini, sans ligne d’horizon, ils semblent comme des reflets de nuages vagabonds dont la configuration se modifie d’un moment à l’autre. Le peintre y dépose des formes qui indiquent sans décrire, des paysages fragiles et improbables ; à son tour, le spectateur va les réinventer et les nommer.

Ainsi, on ne saura jamais si ces constellations, souvent coupées arbitrairement par les bords du tableau, sont liées à un quelconque continent. C’est en vain encore qu’on cherchera des indications qui renvoient à une logique de terrain pour les localiser sur une mappemonde. Ces Presqu’île, plus des doutes que des certitudes, ne sont que des visions d’un lointain qui n’est pas encore un rêve mais qui n’est plus déjà le réel.


Sabine Puget, février 2018


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Tirant d’eau

La démesure d’un cargo est abstraction en soi, ne pas en être écrasé oblige au choix d’un fragment qui devra en contenir toute la masse et le poids. C’est celui de Jean Pierre Schneider, peindre le peu pour exprimer le tout. 

Pour cette suite de tirant d’eau l’écriture du titre à la surface de la peinture signifie le sujet, la courbe de l’étrave, les marques de jauge, le filin d’amarrage lui donnent signes. Les nuances âpres de l’usure d’usage portent dans la couleur la force brutale de noirs d’orage et de rouges de rouille. Ils se partagent la coque à l’horizontale et s’étalent sans souci de parade. Ils sont une mémoire.

Devant, le vide et son silence créent, pour ces hautes parois immobiles et aveugles, l’espace du temps suspendu de l’attente. A leur pied glissent leurs reflets dans l’eau, traînées de vert mêlé aux couleurs segmentées de la coque et de la quille au miroitement d’ikats, promesses de départ et de lointains.

Trois partitions non descriptives s’emparent de la surface de la toile et composent l’espace-temps d’une ouverture sur le large.

Jean Pierre Schneider est là au cœur du questionnement de son oeuvre.

La peinture n’a d’autre sujet qu’elle-même et d’autre finalité que son avancement. La frontalité du sujet ou son absence, la couleur et sa matière, le vif du réel ou son imaginaire se construisent comme la trajectoire du funambule. Chaque pas est à la naissance de l’autre, en aval d’un travail de rigueur et d’exigence qui préserve l’adrénaline du risque et la poétique de la traversée.


Sabine Puget, août 2014

Les mots, l’écriture, la date… le chemin est tracé, le sujet cerné, nous allons   pouvoir en parler ! et pourtant Jean Pierre Schneider va tout peindre pour nous en détourner. Le sujet n’est qu’un support, un prétexte, un leurre peut-être pour nous obliger à entrer dans le tableau. En quelque sorte il nous rassure. Nous ne sommes plus dans l’inconnu d’un Twombly, dans l’informe d’un Tal Coat ni dans les   signes redondants d’un Tapiès. La forme est là reconnaissable, parfois attachée à une référence forte de l’histoire de l’art comme le plongeur de Paestum ou l’Olympia de Manet ; les mots inscrits dans la chair picturale donnent le sens de la lecture, ils nous arment pour parcourir les chemins

Qu’ ouvre au regard la complexité du monde de Jean Pierre Schneider où s’affirme la seule souveraineté de la peinture, elle a le dernier mot qui n’est ni celui de l’éloquence ni celui de l’insignifiance. Par le trait, la forme et la couleur « en un certain ordre assemblés » Jean Pierre Schneider prend le risque de ré-inventer sans cesse son questionnement sur sa présence d’homme peintre dans le temps qui est le sien et dans lequel il nous invite à nous reconnaître.


Bernard Chambaz, septembre 2014


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LA MAÎTRESSE DE BAUDELAIRE

Que la maîtresse soit la suite de la servante est une évidence. Qu’elle la continue en droite ligne et en lignes courbes semble aller de soi. Et qu’elle reprenne au vol les ailes du nageur a quelque chose de foudroyant.

  Cela dit, on peut se demander ce qui a changé depuis la servante ?

  Si la servante était debout, la maîtresse est assise. Peut-être est-elle même posée sur un lit, un divan, un fauteuil, une chaise. La géométrie suffit à désigner le siège. C’est la robe qui fait volume, dans une légèreté qui tient du duvet et de la crème fouettée. Elle révèle parfois un ruban comme celle dévolue aux infantes. Le bouquet de la servante s’était déplié en fleurs. Désormais c’est un éventail qui fait le bouquet. Elles n’ont pas plus de visage l’une que l’autre. Autant dire que nous sommes  à volonté la servante ou la maîtresse.

  Le nom de Baudelaire est bel et bien sur la toile. Celui de la maîtresse, on le sait, est Jeanne Duval voire Jeanne Prosper. Ceux qui l’ont connue disent qu’elle avait le teint jaune et mat et les lèvres rouges (l’ami Jules Buisson), des yeux grands comme des soupières (son amant Félix Nadar). Mais dans le sonnet que ce pauvre Charles commence par « Je te donne ces vers afin que si mon nom », ses yeux sont de jais.

  Manet aimerait cette vitesse propre à Schneider et cette espèce de nuage qui nous rappelle A bout portant. D’après les dates – qui volent ou nagent au gré du jour – il apparaît que cette inoubliable maîtresse est de 2014.


Blandine Jeannest  le 4 septembre 2014

Jean Pierre Schneider s’assied face à la toile. Une cigarette, une tasse de café, il attend. Non pas l’inspiration romantique mais, comme Bram van Velde, quelque chose de cette confrontation au vide, à l’aplomb, au mur blanc et verticale qui le salue. Cet aplomb du réel,  sa présence antique ou moderne. Le voici bien en face avec sa liberté de peintre, à choisir un format, une teinte, une dominante sur laquelle viendront s’inscrire d’autres couches à la fresque, bleu sur blanc, ocre sur noir, surfaces à rayer, à cerner d’un bout de bois, à creuser comme la chaux. Inscrire : date, formes, sujet. Devenir sujet soi même, choisissant, libre face à la mort, face à rien. Sisyphe sa montagne, le peintre à pied d’œuvre.

Son sujet n’est pas un modèle, une référence. Le sujet est un geste du peintre : chuter, plier, ouvrir, balayer, s’envoler, regarder, être. Jean Pierre Schneider tour à tour plongeur, nageur, trapéziste, de ce bras là se projette dans l’avenir, fend l’étendue en lutteur de l’existence ou se retire et accueille comme on tient un bouquet. Il désigne l’après et l’avant  au repli du geste, au retrait du regard de la servante, au ballant du trapèze. Il ouvre les bras, se gonfle comme la courtisane, dévale à la vitesse de la chute, implacable ou précise comme le pli du bliaud, ploie comme la piéta et remonte jour après jour d’une seule toile au risque initial qui est désir de peindre. Tel un athlète du temps, poète ou  danseur, il endigue le courant aux portes d’eau, étreint son sujet, ferraille, écarte la matière ou l’inclut à grande foulée, à grande brassée, à grand coup d’aile et du regard entier déployant l’empan, l’œil du contemplatif alliant  la souplesse du gymnaste à l’habilité du chasseur et l’endurance de l’homme

Puis posé à nouveau, retrouvant son souffle au fauteuil. Une cigarette, une tasse de café, attendre de porter la dernière touche, quelques chiffres un jour, une année, un instant extrait du néant.


jean pierre schneider, le 25 III 2010

La grande montée des blancs, ou des clairs, et la mise en aplat sombre des lointains ont suffit à m’ emporter dans cette immodeste aventure qu’ est cette suite de tableaux d’ après l’ olympia deManet, 146 ans plus tard, autrement dit une approche essentiellement picturale, immédiate. Je n’ aicessé par la suite de découvrir outre le scandale qu’ il a provoqué, l’intelligence et la modernité de ce tableau. Sortir la servante de l’ombre,avec son visage noyé dans la surface du tableau,  en faire le sujet principal comme  sont campées au théâtre nourrices et bonnes, et ces fleurs ou plutôt le papier dans lequel elles sont offertes aux regardeurs, face, dans un pliage annonçant déjà les tôlespliées de Picasso. L’espace partagé, le corps nu, banal devant le drapé somptueux de la robe de la servante. La triangulation des regards incluant celui du spectateur que nous sommes. La main noire avec des doigts comme des flèches diagonales et la main blanche posée, en raccourci. Le cordon noir cylindrique et le chat dressé en bas tout à droite.

Autant de pré-textes pour faire encore de la peinture.


jean pierre schneider le 28 septembre 14


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LE BLIAUD DE LA REINE suivi de LA MAITRESSE DE BAUDELAIRE

Une de mes préoccupations premières est de ne pas poser le sujet sur un fond, éviter à tous prix cette hiérarchie entre le motif et ce que l’on appelait le fond du tableau (je lui préfère le mot espace ou surface), même s’il semble toujours qu’il y ait des points forts, stratégiques, essentiels dans un tableau. La peinture est surface, est toute la surface. Un sujet n’existe pas sans l’espace dans lequel il évolue. Il en est ainsi dans le réel qui nous entoure.

Cela m’a conduit à positionner le motif sur la toile, puis, à la fresque, le recouvrir de la surface vouée à l’ensemble de la toile. Le faire ensuite revenir à la face, à égalité physique de la peau du tableau. Fouiller, racler, graver, inciser, retrousser, lisser, autant d’actes de la main pour défricher.

Deux reines de Judée du portail sud de la cathédrale de Chartres m’ont données, il y a quelques années, un grand moment d’émotion de par leur dignité, leur élégance, leur féminité, leur verticalité de sculptures colonnes, déesses de pierre dressées sous la voûte, gardiennes hiératiques d’un temps, du temps.

Les peindre aujourd’hui : les enfouir dans cette matière marmoréenne, les faire ressurgir, remonter à la surface du tableau, avec le tombé linéaire et plissé de leurs étoffes, leurs poitrines rondes sous leurs bliauds, leurs gestes concentrés d’une rare distinction, d’un bras plié cherchant l’appui et la hauteur à la fois. Les peindre à la surface lisse, tendue, murale, celle de la peau qui palpite dans l’épaisseur de la matière et les couleurs d’ocre jaune, ocre rouge ou grise et du blanc de zinc, apposées à un espace qui voudrait le silence.

Dans le même temps mon admiration pour Edouard Manet et un ami très cher m’ont fait porter le regard sur la maîtresse de Baudelaire, somptueux tableau. Là, plus question de verticale et de hauteur, mais d’ampleur, de rondeur, de bouffant, de largesse. Je cherche à les peindre comme d’un seul geste, rond, entier, une demi sphère, demi lune, hémisphère nord, feu d’artifice aux retombées de dentelles, la flèche (noir-manet) de l’éventail planté dans la blancheur de la soie, le vent sous l’aveuglement blanc, vol de l’oiseau rond, celui peut être de la danseuse en tutu.

De l’une à l’autre, du hiératique au déploiement, tenter d’abriter du vivant et de tenir un pan de notre mémoire séculaire.


Jean-Paul Gavard-Perret,

8 mars 2008

Jean-Pierre Schneider est né à Paris en 1946 et a été élève de l’École des  Beaux-Arts de Lille. Son travail est depuis trente ans très régulièrement  exposé en France (Paris, Évreux, Bordeaux …), mais aussi en Espagne et en  Suisse. Il a travaillé pour le théâtre et pour la danse et a publié avec  Sylvain Corthay aux éditions Le Bruit des Autres  » Lumière volée » et « Olla  Cineraria » avec Hisashi Okuyama édité par la Fondation du Japon. En empruntant à Nicolas de Staël la phrase : « L’espace pictural est un mur  mais tous les oiseaux du monde y volent librement », Chambaz vient au plus  prêt de la peinture de Jean-Pierre Schneider. En excluant de la peinture  presque tout de ce qui concourt à la définir, en laissant place à une  sorte de peau fuyante sur laquelle se déposent quelques stigmates  l’artiste s’interroge sur les conditions d’existence de la peinture, ses chances de survie. Il  la porte à un point de quasi rupture d’où  cependant elle renaît plus puissamment et plus dépouillée de ses éléments  de “ décor ”. C’est donc dans une technique du retrait que le créateur  hypnotise,  rendant propice l’inscription du signe humain dont la peinture aspire à devenir le support tout en  dépassant ses langages admis. 

Portée à ses limites, la matière permet de garder vivante une trace  lacérante, insidieusement érosive mais prégnante de l’être qui à travers  le peintre est comme tenu à l’écart, condamné au silence, à l’absence. D’un côté elle appelle à perpétuer l’inscription du signe humain qui l’obsède  mais qui de toiles en dessins, avec l’encre, la craie, le collage, le  pigment déconcerte la lecture et la vue et diffère de griffures en  griffures, l’élucidation que Schneider appelle mais qu’il tient comme en  dehors. Il divulgue une trace aussi dense que presque effacée et qui  fait de chaque œuvre un étrange passage. Signes parmi les signes d’un  langage devenu sa seule présence et réalité, biffures, interruptions,  surcharges, effaçages ouvrent sur des lignes qui corrodent et émiettent l’étendue  qui les supporte. Il y a là l’exaltation d’une béance mais aussi l’impénétrabilité d’une paroi. Les signes bruts, lapidaires, brouillés n’ouvrent que sur l’évidence  de leur illisibilité, de leur incongruité comme s’ils refusaient à s’articuler  dans un espace compréhensible. Les tableaux et les dessins “ parlent ” de la sorte un langage neutre, presque absent mais tout aussi sensible, poignant comme émis de manière parcellaire par un être errant, coupé – non sans effervescence cependant – mais tout aussi relié à sa réalité, son histoire, au réel et à l’histoire de la peinture.

L’exercice d’une forme d’oblitération renvoie bien au delà de la  figuration même si « en creux » elle la stimule là où échouent comme sur une  plage verticale un ensemble de signes humains muets et suspendus, le balbutiements, peut-être, d’une ombre humaine parfois à la recherche de  son corps. Chez Jean-Pierre Schneider chaque œuvre est flagrante et nue  comme détachée. De la masse confuse d’une sorte de marouflage il ne reste  que des graffitis pour concentrer l’énergie et matérialiser la violence de  l’image. Tout son art consiste ainsi à se rendre d’une certaine manière  absent, à s’effacer devant ce qui s’efface autant que devant ce qui “s’inscrit  ”, bref devant ce qui est le plus proche et le plus éloigné de soi. C’est  pourquoi une telle recherche exerce sur l’esprit une fascination puisqu’il  est devant un corps qui lui-même est à la fois proche et étranger : il se fond avec la substance même qui le signale et le nie.

Devant chaque toile nous partons à la dérive. Chaque “accident ”,  chaque empreinte désignent l’être sans le nommer avec la fréquente  transposition des graffiti ou de l’“ écriture” en graphismes brouilllés.  La toile prend l’aspect d’un pan dégradé et usé mais qui semble d’autant  plus vivant qu’il est attaqué, corrodé comme s’il respirait par ses blessures, comme si une sorte de lèpre ou de salpêtre était la matière du tableau. Le peintre nous immobilise face au “rien” que nous percevons.  Surgit un défilé d’impressions fugitives (un homme semble par exempe marcher) là où la peinture est sensée immobiliser. Existe alors,  une double action de la matière à la fois expansion, énergie mais aussi concentration, effacement ou recueil de marques et d’accidents humains à peine visibles  qui  impose la puissance d’égarement  de la peinture, proche de la disparition mais aussi de l’imminence d’un retour. Graffiti, traces, glyphes, Jean-Pierre Schneider n’accueille le signe qu’insidieusement altéré, frappé du mutisme, de non-sens ou d’attente d’un sens à venir. Il balafre ses œuvres en un geste qui à la fois désigne l’indéfini de toute attente et inscrit l’inarticulé qui dans la mémoire inconsciente demeure flottant, suspendu, assommé.

Surgit le monde muet de l’injonction et de la résistance. La trace est ainsi une énergie incorporée mais aussi dissipée où le plus récent comme le plus archaïque se confondent. C’est pourquoi l’être – car il s’agit  bien de lui  en dernier ressort – est comme empêtré dans la torpeur de cet inconscient qui le mine du dedans mais qui ébauche ici une tentative de redressement, de reconnaissance. Du support au signe, de la matière à ses formes émergent des relations lacunaires par un travail qui joint la pure agression à la lenteur scrupuleuse, en un respect attentifs des “ éléments ” qui servent à la peinture. L’oeil ne commande pas, ni la main, ni l’intellect, ni l’inconscient, ni une tradition plastique immergée et ressurgie mais tout à la fois, comme en fusion dans l’intervalle du vide et l’énergie de la matière. Chaque tableau ou dessin s’impose comme un événement plastique impromptu mais décisif qui met en œuvre matière et manière dans ce qui semble le fruit d’un tremblement mais qui de fait ne doit son existence que à un acte de pure autorité. Jean-Pierre Schneider nous fait en conséquence participer à une expérience limite de la peinture aimantée au vertige de sa fin, à la secrète  tentation d’en finir mais qui butte sans cesse sur l’impossibilité d’y parvenir. En effet si chez l’artiste la peinture est en question, elle reste la seule réponse à cette question. L’œuvre se dresse contre le vide mais le vide s’adosse à elle.  Le jeu de l’éloignement fait aussi sa proximité en une large hémorragie d’abîme et de « volumes » dont les traces s’inscrivent en griffures comme usées jusqu’à l’invisible.


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